RELIGION ET HÉGÉMONIE DANS LES ÉCRITS DE GRAMSCI: DE LA POSTESTAS INDIRECTA JÉSUITE À L’HÉRÉSIE DES SUBALTERNES

Autores

  • Marie Lucas Université de Lyon

Resumo

Le concept d’hégémonie, au coeur de la recherche d’Antonio Gramsci, est indissociable d’une réflexion de fond sur la religion. La religion désigne chez Gramsci tantôt les religions historiques, en particulier le catholicisme, tantôt une conception du marxisme comme hérésie du libéralisme issue des groupes subalternes. Dès ses années turinoises, Gramsci décrit le socialisme comme une foi religieuse substituant à l’horizon surnaturel du christianisme un projet concret et rationnel. La montée du fascisme l’oblige à se confronter plus directement aux institutions et à la culture catholiques, à leur fonction de direction intellectuelle et politique, notamment auprès des masses paysannes. Cette confrontation prépare le tournant décisif qui s’opère pour Gramsci lors du Concordat de 1929 entre l’État fasciste et l’Église catholique. Commençant alors à rédiger ses Cahiers de prison, il étudie à travers cette actualité politico-religieuse le rapport d’influence réciproque entre économie, culture et politique. À cet effet, il trouve dans la praxis éditoriale, militante et missionnaire de la Compagnie de Jésus le paradigme d’une conquête hégémonique menée sur de multiples fronts. Le « pouvoir indirect » des jésuites s’impose ainsi comme modèle et contre-modèle, admiré pour son efficacité mais condamné pour sa rigidité autoritaire. Gramsci oppose donc à la dérive disciplinaire du jésuitisme un parti politique moderne porteur d’une hégémonie activement religieuse, c’est-à-dire associant les subalternes à l’élaboration d’une conscience et d’une volonté collectives.

 

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Publicado

2021-05-30